En bas. Le choc venait
d'en bas. Un horrible bruit de verre brisé.
Ça y est, ils avaient
mis leurs menaces à exécution.
[…]
Le souffle court, les
deux femmes déboulèrent en trombe dans le salon.
Face à la baie
vitrée, Shiri leur tournait le dos.
L'espace d'un instant,
Molly l'imagina tomber en arrière, la poitrine écarlate. Elle se
coucherait sur elle et hurlerait dans l'odeur tiède et métallique
de son sang.
Puis elle la vit. À
travers le trou de la fenêtre, à l'extérieur, sur la pelouse.
Léchée d'immenses
flammes, une grande croix du Ku Klux Klan. »
Voilà un moment que
j'avais envie de chroniquer ce livre pour ados, sans trouver le
moment idéal pour m'y mettre. Mais hop, voici une chronique avec pas
mal de lecture !
Ce récit inspiré de
faits réels se déroule en 1957 dans une petite ville en Arkansas.
Le prestigieux lycée central de Little Rock décide d'ouvrir ses
portes à neuf adolescents noirs, parmi lesquels se trouve Molly,
l'une des narratrices. A l'époque, la ségrégation bat son plein et
les noirs sont extrêmement mal perçus, ainsi que toutes les
personnes qui les soutiennent.
Sweet Sixteen est
un roman choral. Molly nous raconte son quotidien, son choix de faire
partie des volontaires pour cette expérience extrêmement risquée,
tandis que Grace, une adolescente blanche, d'abord hostile à ce
projet, va progressivement changer d'avis sur la question, alors
qu'elle est entourée par des personnes très conservatrices.
Les chapitres alternent
les voix des deux jeunes filles, qui nous racontent la ségrégation
sur fond de rêves d'adolescentes. L'écriture est fluide et
agréable, le lecteur est vite entraîné dans le tourbillon des
évènements et se laisse aisément embarquer dans les pensées des
deux protagonistes.
On suit d'abord le
cheminement de Molly, sa décision de tenter l'expérience, la
discrimination à laquelle elle doit dès le début faire face. Elle
vit dans une famille très unie qui, malgré la peur, la soutient
jusqu'au bout du roman. Grace, quant à elle, ne se sent guère
concernée par le sujet, même si elle a tendance à suivre l'opinion
de ses amies très impliquées dans le maintien de la ségrégation.
Au fur et à mesure du roman, au contact des neuf élèves noirs et
plus spécialement de Molly, elle va se poser des questions sur la
différence et progressivement réviser son jugement en constatant de
nombreuses incohérences entre ce qui est dit sur les noirs et la
réalité.
Le plus impressionnant
dans ce livre est probablement la manière dont est décrite la
violence. Elle apparaît de manière croissante, d'abord insidieuse
lorsque Molly se voit refuser l'achat de lait par l'épicier, puis
beaucoup plus visible lors de l'entrée au lycée. C'est une
véritable haine des noirs qui est montrée ici et de nombreuses
scènes sont tout simplement effarantes, la violence atteint un tel
extrême que des militaires sont chargés de protéger les étudiants
noirs dans l'enceinte de l'école. Molly doit faire face aux injures
et à l'humiliation quotidienne, à l'acharnement des blancs, à la
peur surtout. Chacun des neuf est poussé à bout, certains
abandonnent, d'autres sont pris au piège, et Molly est régulièrement
en proie aux doutes. Elle peut heureusement compter sur un groupe de
résistance mené par Maxene Tate qui lutte pour la reconnaissance des
noirs et contre le Ku Klux Klan, organisation qui menace toutes les
personnes apportant un soutien aux noirs.
Si le sujet traité est
difficile, l'ensemble est néanmoins allégé par des préoccupations
d'adolescentes, de la manière dont on doit s'habiller pour la
prochaine sortie au bowling au sourire échangé avec cet inconnu au
lycée...
Un très bon roman !
Casterman, 12€, 218 pages.